Avis de Grand Frais !
Une bouée après l’autre, le paysage ayant beau être familier, c’est avec la vigilance d’un pécheur d’Islande paumé gare du Nord que l’on rejoint dans un épais brouillard la E11, dernier repère avant le no man’s land qui étend son cafard cotonneux plus à l’est.
Voir Ostende et mourir c’est pas notre crédo, pas envie d’aller flirter avec l’étrave d’un cargo fantôme trainant dans les parages, puis avec la gueule des isobares qui annoncent pour le début de soirée le chien d’une chienne de météo à faire bégayer le 16.
Il serait de très mauvais gout d’aller vérifier si la bière belge est meilleure au delà de cette passe de la baraque de sel réputée pour avoir abrité le plus cauchemardesque des weekends (Zuydcoote pour les intimes).
Donc, disais je sans reprendre mon souffle - souffle au demeurant quasi anémique - c’est l’esprit d’aventure en berne que l’on décide a l’unanimité de nos deux voix de faire route vers notre cher et oh combien accueillant Yacht Club de la Mer du Nord.
En cette fin d'après midi digne d’une fête d’Halloween pas une citrouille au quai visiteur, on en profite pour faire quelques exercices d’accostage en posant sur notre trajectoire des objets flottants imaginaires histoire de corser l’affaire.
La cheminée de droite jouera le rôle d'un sous marin qui se serait égaré là, la grosse bouée rouge fixera la limite gauche de nos élucubrations en imitant un camion de pompier et en avant pour des frayeurs imaginaires le flanc tribord bardé de pare boat.
Tout serait au poil tant notre aptitude à ne pas défoncer les quais nous emplit d'un orgueil n'ayant pour égal que la fierté d'un skipper slalomant entre les chalutiers du Vendée Globe si une bande de mouettes goguenardes ne se gaussait de notre allure empruntée au moment d’aller poser nos bottes sur un ponton transformé en patinoire par leurs chiures.
Mais bon c’est pas des gamines mal élevées qui allaient nous gâcher notre journée, alors avec le regard fier du marin qui revient de loin nous en finissons avec notre récréation en lançant un joli doigt d’honneur à leur mine de canards déconfite devant notre professionnalisme.
En ce début de soirée qui ne dépareillerait pas dans un polar londonien l’avis de grand frais dont le cross nous a rabattu les oreilles six heures durant n’a pas encore pointé le bout d’un grain si ce n’est un léger frémissement dans l’air et quelques trainées grisâtres s’immisçant dans la grisaille d'un ciel si bas qu'il rappelle le souvenir tout frais de nos exploits à l'humilité.
Second suffrage, seconde unanimité à bord pour décider de vérifier si nos amis de Météo France nous ont foutu la frousse pour rien.
On opte donc pour une nuit made in Groenland avant que d'aller nous sustenter dans un centre ville déserté par des dunkerquois affairés bien au chaud à la préparation de leur carnaval .
Au sortir du pub qui nous a retenu jusqu’à une heure avancée en nous aguichant avec un douze ans d’âge, une série de bières de Noël du meilleur cru et un Irish de saison, calme plat si n'est le trottoir animé d'une étrange houle.
De retour dans notre frigo, courroucés on rédige un courriel de circonstance puisque glaçant d’ironie à nos sites préférés respectifs qui, à notre humble avis, se sont royalement plantés et cabine à part on se refugie le cœur apaisé dans nos duvets en rêvant de la splendide navigation du lendemain.
Et bien râpé, toute la nuit ça cliquète, ça couine, ça siffle, ça grince, ça remue et dans notre demi sommeil frigorifié le 16 qui repasse en boucle un communiqué moqueur avis de grand frais de la frontière belge à la baie de Somme....
Guy GABRIELLI
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Date de création : 14/10/2013 10:34
Dernière modification : 21/10/2013 11:00
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